Pour commencer cette page historique, je voudrais vous poser une question : savez-vous ce qu'est une "radasse" ? J'en vois déjà parmi vous qui sourit mais le sens premier de ce mot est peut-être moins connu. Pour les pêcheurs de la Côte Bleue, une radasse est un vieux filet qu'on utilisait pour arracher les oursins sur les fonds rocheux en le traînant derrière une barque.

Cette façon de pêcher les oursins dévastait les fonds marins en ramenant dans les filets non seulement les oursins de toute taille, mais aussi une moisson d'algues et de plancton.

C'est la raison pour laquelle la pêche à la radasse a été interdite, mais elle n'était pas la seule cause de la lente disparition de ce délicieux échinoderme de notre côte.

 

A L'ORIGINE UNE SITUATION
GEOGRAPHIQUE DIFFICILE

La Madrague de Gignac (autour de 1900 )

Un seul bâtiment dans la calanque, au début du siècle : une thonnerie ou le poisson était stocké avant d'être transporté à Marignane 

La côte Bleue est restée longtemps isolée à cause de sa difficulté d'accès. L'arc calcaire de la chaîne de l'Estaque, qui sur près de 30 kilomètres ferme dans sa partie nord-ouest la rade de Marseille, a été durant des siècles l'obstacle à franchir.

Tandis que sur un autre versant elle protège le bassin de l'Etang de Berre, c'est un front de mer qui tombe à pic sur la plus grande partie de sa côte, donnant naissance à de multiples anfractuosités et à de minuscules calanques.

Sur sa partie ouest la chaîne s'adoucit en plateaux qui ont engendré quelques belles plages de sable.

Si la présence de l'homme est très ancienne, en particulier sur le site de la Couronne où on a découvert un important village de l'époque néolithique (2500 avant J.C.), sans oublier les nombreux vestiges romains présents dans l'ensemble de la région, la population est restée durant des siècles extrêmement réduite, en particulier sur la Commune de Châteauneuf dont dépendait une partie d'Ensuès.

 

LES MADRAGUES EN CE TEMPS-LA 

 

Port de la Madrague

La Madrague de Gignac (1910-1920)

Au premier plan, la mise à l'eau et le port (sans la jetée). Au fond, le rocher des Anthénors. 

La Madrague est composée d'un ensemble de filets divisés en quatre chambres communiquants entre elles.

On peut remarquer que sur la Carte de Cassini les madragues sont symbolisées par un carré avec une flêche sur chacun des angles. Ce mode de pêche remonte à la plus haute antiquité et le nom provençal "madrago" vient directement du grec "Mandra-ago".

Les thons, qui arrivent toujours du levant, longent la côte. Pris au piège de la première chambre, ils passent ensuite de l'une à l'autre jusqu'à la dernière appelée "chambre de la mort". On soulève alors le filet de fond qui fait remonter les poissons en surface, à fleur d'eau, où ils sont assommés et harponnés pour être hissés à bord des bateaux.

  Ce spectacle vaut le déplacement et le Roi Louis XIII, lui-même, le fit, près de Cassis, et on dit qu'il s'en réjouit. 

Port de la Madrague

La Madrague de Gignac (1910-1920)

Scène de pêche dominicale dans le port.
Les amas de rochers droite, sont remplacés aujourd'hui par les locaux de la société nautique.

Il existe alors plusieurs madragues de Niolon (Nioulon), à Sausset, en passant par Gignac (Ginas) et Carry.

Les pêcheurs locaux sont hostiles à ces véritables entreprises de pêche que sont les madragues, et les procès sont multiples entre eux, qui les opposent dans la délimitation des zones de pêche. Pourtant, tout le monde ne peut librement installer une madrague; en effet celle-ci est soumise au bon plaisir du Roi dont il faut obtenir des lettres patentes.
Ces lettres, si elles donnent le droit à leurs bénéficiaires de pêcher le thon, sont délivrées contre finances.

C'est ansi que celles délivrées à Balthazard Lombard, en avril 1672, pour poser madragues à Sainte Croix, sont la contrepartie d'une somme de 300 livres et huit quintaux de thons à verser par an.

De là le titre de Roy (lou Rey en provençal), attribué au patron de la madrague.

Calanque de la Madrague

La Madrague de Gignac

Les maisons se construisent peu peu mais le port reste très "sauvage".

Ces lettres patentes pouvaient être décernées également à titre de récompense par le Roi. C'est ainsi qu'en 1693 Monsieur de Roannès, capitaine des galères de Sa Majesté, obtient l'autorisation de poser madrague à Sainte Croix. Il l'exploitera jusqu'en 1749 où il rencontrera des difficultés financières.

La lutte est alors très âpre pour lui succéder entre l'abbaye de Montmajou, Monsieur de Marignane, Monsieur de Villars et Monsieur le Marquis de Jarente de Carry.

C'est ce dernier qui devait l'emporter et en août 1761, il obtient l'autorisation de poser une madrague placée sous le nom de Sainte Croix.

Sans doute sous la pression des pêcheurs, la plupart des madragues seront supprimées en 1851, et en 1894 trois seulement subsisteront dont celle du marquis de Jarente.

Calanque de la Redonne

La Redonne vue de La Madrague de Gignac(avant1910)   

Le bâtiment au fond de la calanque est aujourd'hui un bar-restaurant. Remarquez que la voix ferrée n'est pas encore construite.

Pour connaître l'historique de sa construction, cliquer sur le

Construction de la ligne Estaque - Miramas